Dans une décision récente, le Conseil de prud’hommes de Bordeaux, appelé à trancher un litige entre un salarié et son employeur, a, à son tour, refusé d’appliquer le barème d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse (dit barème « Macron »). Il rejoint ainsi la liste des tribunaux qui considèrent ce dispositif comme étant contraire aux règles internationales. Explications.
BARÈME DE PLAFONNEMENT DES INDEMNITÉS PRUD’HOMALES
Depuis le 24 septembre 2017, date d’entrée en vigueur de l’ordonnance 2017-1387, un barème fixant de plein droit les indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse a été mis en place. Ainsi, dans le cas d’un contentieux prud’homal, lorsque les juges reconnaissent qu’un licenciement est injustifié, les dommages et intérêts versés au salarié par son employeur sont plafonnés, encadrés par des minima et des maxima établis au regard de son ancienneté et de la taille de l’entreprise. Ce dispositif, voulu par Emmanuel Macron, vaut également en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail ou de prise d’acte du contrat de travail jugée aux torts de l’employeur. En revanche, il ne s’applique pas aux licenciements entachés de nullité (situation de harcèlement moral ou sexuel, violation d’une liberté fondamentale, discrimination, non-respect de la protection attachée au congé de maternité ou de paternité etc.).
UN BARÈME REMIS EN CAUSE
Or, bien que validé par le Conseil constitutionnel, ce barème a fait l’objet, depuis son entrée en vigueur, de nombreuses critiques. C’est ainsi qu’après les Conseils de prud’hommes de Paris, Troyes, Amiens, Lyon, Angers et Grenoble, le Conseil de prud’hommes de Bordeaux vient, à son tour, de refuser de l’appliquer. Tous ont considéré qu’il était contraire à la Convention 158 de l’organisation internationale du travail (OIT) et à la Charte sociale européenne en ce qu’il soustrait au juge son pouvoir d’appréciation souveraine des conséquences du licenciement et ne permet de distinguer selon les situations individuelles des salariés licenciés à tort.
UNE JURISPRUDENCE CONTRADICTOIRE
Pour autant, d’autres Conseils de prud’hommes se sont montrés moins réfractaires, rappelant au gré de leurs décisions que les planchers et les plafonds fixés par ce barème « s’imposent aux juges ». En l’état actuel, il convient donc d’attendre la position des Cours d’appels qui ont été saisies et, le cas échant, celle de la Cour de cassation, pour connaître l’issue finale de ces procédures et, par la même occasion, le sort juridique réservé à ce barème !
Conseil de Prud’hommes de Bordeaux, 9 avril 2019, affaire n° 18-00659
https://www.doctrine.fr/d/CPH/Bordeaux/2019/U8B05D96A2A8D9E7B7D5A
Cet article a été rédigé en mai 2019. Nous vous rappelons que cette analyse est applicable à ce jour et ne prend pas en compte les éventuelles modifications, les données sont susceptibles de changer.